jeudi 2 février 2023

LA THÉORIE POLYVAGALE

 Une nouvelle compréhension du Système Nerveux

La Théorie Polyvagale (dont le nom fait référence au Nerf Vague) a été découverte par le chercheur Américain Stephen Porges, et a été délivrée au grand public lors de la parution de son premier ouvrage en 2011.
Cette théorie a aujourd’hui totalement modifié notre compréhension du système nerveux et de ses mécanismes de régulation. Elle permet également d’ouvrir de nouvelles perspectives sur la façon dont on peut guérir les traumatismes et sur les questions d’équilibre mental et psychologique.


Ce schéma représente le nerf vague et la façon dont il se structure dans le corps. Il  a été nommé ainsi à cause de ses nombreuse ramifications et de sa forme arborescente. 

On voit bien sur le dessin que le nerf est en lien avec les différents parties et organes du corps (gorge, larynx, cœur, poumons, foie, reins, rate et viscères) et qu'il descend jusqu'à irriguer tout l'abdomen.

 

 

 

 

 

Le constat de départ de cette approche polyvagale est que l’être humain est perpétuellement en recherche de sécurité - que ce soit dans son environnement interne , externe, ou dans ses relations avec les autres.
Face à ce besoin, le Système Nerveux Autonome (part du système nerveux qui contrôle de façon automatique les processus physiologiques, et qui est en lien avec les organes internes) agit comme un outil d’évaluation et de surveillance qui traite à chaque instant les différents paramètres de notre expérience pour statuer si nous sommes en sécurité ou si nous ne le sommes pas.
Cette activité d’évaluation a été définie par le terme de Neuroception. Avec ce processus de neuroception, notre Système Nerveux analyse notre environnement à la recherche de menaces potentielles, de signes de danger ou de problèmes éventuels. Il recherche également les éléments qui peuvent être vecteurs de sécurité.
Cette analyse se fait de manière organique, à travers le corps (plus par nos tripes pourrait-on dire), car c’est dans le corps que s’expriment les structures du système nerveux en lien avec ces fonctions d’évaluation.
Les traumas du passé vont être fortement impliqués dans ce processus puisqu’ils laissent des empreintes profondes dans le système nerveux en le maintenant bloqué dans des activation et des émotions non intégrées. Le contenu du trauma non résolu va alors se projeter dans notre relation avec le monde et dans notre ressenti (puisque pour le système nerveux, tant que le trauma n’a pas été intégré, c’est comme si nous étions toujours dans la situation), ce qui va créer une forme d’hyper-vigilance et une sensibilité particulière à certains éléments ou signaux.
Tout s’opère de façon automatique, et implique les parts les plus anciennes du système nerveux et du cerveau.
La pensée rationnelle n’est donc pas impliquée dans ces évaluations. Ce qui signifie qu’une évaluation mentale ou cognitive du contexte (ou j’analyse rationnellement que tout va bien et que je ne suis pas en danger) ne peut pas primer sur l’évaluation organique et nerveuse du corps.

Face à l’évaluation de l’environnement qu’il génère, le système nerveux va déterminer les réponses appropriées pour maintenir la cohésion, la sécurité et la survie de l’organisme.
Le nerf vague joue un rôle central dans ces processus puisqu’il assure le lien entre les informations issues de l’évaluation neuroceptive et les organes impliqués dans la réponse.
Il fait circuler l’information dans les 2 sens : il a des connexions sensorielles allant des organes au cerveau, et des connexions motrices allant du cerveau vers les organes. Environ 80% des informations qu’il transmet vont dans le sens montant, du corps au cerveau - ce qui montre bien la prédominance de l’organique dans la façon dont se met en place la neuroception.

Avant d’évaluer comment le Système Nerveux Autonome met en place ses réponses, il est important de bien comprendre la façon dont il est structuré et dont il s’est développé au fil de l'évolution.

- La première partie est apparue il y a environ 500 millions d’années avec les premiers vertébrés : c’est la partie dorsale vagale. Ce nerf vagal dorsal est non myélinisé (ce qui veut dire que les fibres nerveuses ne sont pas gainées et donc pas isolées les unes des autres - ce qui génère une régulation moins efficace).
Cette partie, en lien avec le système nerveux parasympathique, est responsable de la réponse de défense qui entraine l’immobilisation et réduit toutes les fonctions vitales.
- 100 millions d’année plus tard dans le processus de l’évolution des vertébrés, le Système Nerveux Sympathique commence à se structurer au niveau de la moelle épinière. Lorsqu’il s’active, ce système nerveux sympathique conduit à l’inhibition des mécanismes d’immobilisation, pour générer l’énergie nécessaire à la mise en place des réponses de fuite ou de lutte.
- Avec l’évolution des mammifères il y a 200 millions d’années, une nouvelle fonction du système nerveux se structure : c’est la partie ventrale du nerf vague. Avec la capacité de réguler les  réponses de fuite ou de combat du système nerveux sympathique, ainsi que les réponses d’immobilisation du système parasympathique, la partie ventrale du nerf vague va favoriser l’engagement social et la connexion.
Cette partie du nerf vague est myélinisée, donc beaucoup plus évoluée. Elle est en lien avec la part du tronc cérébral qui contrôle l’audition, les muscles laryngés pour la parole, et les muscles du visage pour favoriser l’expression des émotions et des intentions. Elle est aussi connectée avec le cœur pour favoriser l’ouverture et le lien.

Notre Système Nerveux Autonome est donc ainsi organisé en 3 parties qui déterminent trois modes de réponses :
- La part ventrale du Nerf vague (système nerveux parasympathique), responsable de la connexion et de l’engagement social.
- La part du système nerveux sympathique en lien avec l’activation de l’état de stress, et qui met en place les réponses de fuite et de combat.
- La part dorsale du nerf vague (système nerveux parasympathique) qui conduit à l’immobilisation ou au figement si la fuite ou le combat ne sont pas possibles.


La théorie polyvagale établit une hiérarchie dans la structuration et le fonctionnement de ces différentes parties.
Ainsi, pour que la part ventrale soit pleinement opérationnelle et que l’engagement social soit favorisé, les réponses des deux autres parties doivent être inhibées ou régulées de façon à ce qu’il n’y ait plus de risque perçu.
A ce moment là, nous pouvons nous sentir suffisamment en sécurité pour pouvoir nous ouvrir et nous connecter. Quand la part ventrale du système nerveux est activée, les fonctions vitales et le cœur sont naturellement harmonisés, la respiration est plus profonde, les muscles sont détendus, on se sent plus apaisés et le système immunitaire est renforcé. Nous pouvons alors naturellement nous tourner vers les autres avec l’esprit ouvert et avec aise.
Mais si un signal de danger est perçu lors du processus de neuroception, cette part ventrale du système nerveux s’inhibe au profit de la branche sympathique, qui va alors mettre en place une activation métabolique et hormonale pour générer les réponses de défense et de protection. Dans cette activation, le rythme cardiaque augmente, les muscles se contractent, la pression artérielle augmente, la respiration est plus courte et plus rapide, la digestion est ralentie. Avec le rush d’adrénaline, on se sent agités, au prise avec un niveau de stress important, et on fait face à une niveau élevé d’anxiété (réponse de fuite) ou de colère (repose de combat).
Ces réponses, si elles sont pertinentes, et si elles peuvent ramener un niveau de sécurité suffisant (par le fait de se retirer, de prendre de la distance ou de poser des limites claires), vont favoriser un retour à la sécurité et à l’engagement de la part ventrale.
Par contre, si ces réponses de fuite ou d’opposition ne peuvent pas se produire, ou si elles ne permettent pas de ramener un niveau de sécurité suffisant, la partie dorsale du nerf vague va s’activer et va nous conduire à une forme de repli intérieur, de figement, d’immobilisation et de dissociation. A ce stade, la seule échappatoire de survie perçue par le système est de ne plus rien faire et de ne plus sentir. On se sent alors inhibés, coupés de notre énergie, de nos motivations, sans confiance, et découragés ou déprimés.


Comprendre comment fonctionne notre système nerveux et les réponses qu’il met en place face à notre environnement, nous permet de ne plus lutter  contre ce qui se passe en nous.
On peut ainsi voir que notre système nerveux est là pour nous aider en cherchant à maintenir l’équilibre et la survie du corps.
Avec la compréhension que la neuroception et les réponses qui sont mises en place par les différentes parties du système nerveux sont influencés par les traumatismes du passé, on peut arrêter d’opposer la raison et l’analyse cognitive aux réactions et messages de ce système.
Cela favorise alors un accueil qui va œuvrer à un plus grand équilibre du système. Mais pour permettre à cet équilibre d’être plus profond, et pour nous ancrer dans la sécurité, nous devons apprendre à aider notre système nerveux à se réguler (ce sera l'objet d'un prochain article), et nous devons également intégrer et guérir les plus grands traumatismes de notre passé pour qu’ils ne viennent plus interférer dans le processus de neuroception.
La bonne nouvelle c’est que cela est bien plus facile et réalisable que ce que la plupart des gens imaginent.

« Le point le plus important est que notre système nerveux essaie de faire les bonnes choses pour  assurer notre survie - et nous devons respecter ce qu’il fait. Ce respect nous conduit aussi à être plus respectueux de nous-mêmes, c’est cela qui va générer la guérison sur le plan fonctionnel. »
Stephen Porges

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