mercredi 1 décembre 2021

AU DELA DES POLARITÉS "INFÉRIORITÉ/SUPÉRIORITÉ"

 LA CONFIANCE AUTHENTIQUE

La confiance naturelle est une qualité qui est une expression inhérente à notre nature profonde. Elle n’a rien à voir avec l’absence de peur ou d’insécurité, ni avec une forme de contrôle ou de mise à distance de parts plus vulnérables de notre expérience. Elle ne dépend pas de l’entretien d’une image de soi élevée, ni d’une narration intérieure en lien avec nos capacités, et encore moins d’une forme de comparaison aux autres.

Cette confiance naturelle est simplement la conséquence de notre ouverture aux parts sensibles, fragiles ou blessées que nous trouvons en nous, ainsi que de la reconnaissance de la capacité de notre Être à pouvoir les ressentir, les laisser être, et finalement à les aimer.

 

Dans notre expérience humaine, la vie ne peut pas manquer d’évoquer en nous des challenges ou des ressentis difficiles qui vont réveiller des parts de notre être aux prises avec des sentiments d’inadéquation, d’incomplétude, ou d’infériorité. Ces parts (ou sous personnalités) peuvent avoir l’impression de ne pas être assez bien, elles peuvent être aux prises avec un certain niveau de dévalorisation, elles peuvent se sentir faibles, démunies, inadaptées ou insignifiantes, ou croire manquer de certaines qualités.

Face à ces mouvements d’un sens du soi diminué - et face à la honte qui les accompagne - le mental/égo ressent une grande insécurité, car il imagine qu’il est impossible d’accepter l’expérience que cela nous invite à vivre, et qu’arrêter de luter contre ces représentations négatives reviendrait à devenir ce qu’elles nous suggèrent. Et lorsque l’égo projette ces  images diminuées dans le temps, il se perçoit comme indigne, inadapté et imagine alors ne plus pouvoir accéder à l’amour, la reconnaissance et l’attention nécessaires à son équilibre et à sa survie.

Dans sa vision très limitée de la réalité, l’égo va donc à résister à ces parts qui se sentent inférieures en trouvant des moyens de les tenir à distance, de les invalider ou en cherchant à les compenser.

 


Il va alors chercher à structurer des images qui sont à l’opposé de ces sentiments d’infériorité. Ces images vont avoir pour but de nous permettre de nous sentir plus importants, plus compétents, meilleurs ou plus forts. Elles vont nous rendre certains de détenir la vérité, ou nous faire croire que tout va bien chez nous, que nous sommes une bonne personne, que nous n’avons pas tel ou tel défaut, ou que nous sommes meilleurs que les autres.

Et ces images ne pouvant exister que dans la comparaison, elles vont aussi pointer les défaillances à l’extérieur, générant une grande activité en projetant sur les autres les jugements que nous avons en nous, de façon à  tenter d’amoindrir le niveau de dissonance intérieure.

Toutes ces images de nous mêmes sont un masque, une construction imaginaire. Elles peuvent procurer une sensation superficielle de confiance dans la comparaison qu’elles créent à notre avantage, mais elles nous entretiennent dans une forme de contraction énergétique, nous coupent de notre nature profonde, et nous font nous sentir séparés et divisés.

Et force est de constater que ces constructions ne changent rien à l’insécurité sous-jacente aux mouvements du soi déficient, et qu’elles renforcent la fragmentation de notre être.

En outre, ces fausses images vont devoir être défendues à tout prix (générant ainsi une grande résistance et un fort niveau de conflit face aux situations de la vie et face aux autres), précisément parce qu’elles sont fausses.

 

Tant que nous tournons le dos à ces parts vulnérables (qui sont aussi l’expression de notre humanité) en essayant de leur opposer une image compensatrice, nous mettons en place trois mouvements :

-       Dans un premier temps, nous renforçons ces parts ainsi que les croyances négatives qu’elles ont créé. En effet, si je dois prouver le contraire d’une croyance, c’est bien que j’imagine dans un premier temps que cette croyance dit quelque chose de vrai sur moi. La résistance valide donc la croyance négative et la renforce en lui donnant plus de consistance.

-     Dans un deuxième temps, la résistance et la compensation maintiennent les parts vulnérables dans l’ombre, les gardent inconscientes, leur donnant ainsi le pouvoir de diriger inconsciemment nos pensées et nos actions et de maintenir en place les mécanismes d’auto-sabotage.

-       Dans un troisième temps, le refus de rencontrer ces parts les prive de l’attention, de l’amour et de la reconnaissance dont elles auraient besoin pour pouvoir se transformer.

 

On voit donc clairement comment la résistance ne fait que maintenir la division intérieure et crée de plus en plus de souffrance.

 

Que faire donc pour sortir de cette souffrance et revenir à une confiance naturelle ?

Tout d’abord, lorsque nous identifions que nous sommes investis dans une activité de construction d’une image de nous mêmes qui se maintient dans la comparaison, commençons par ne pas nous en vouloir.

Comme on l’a vu plus haut, les jugements sur les autres sont un mécanisme de défense et de protection. Ils font partie du système d’adaptation qui nous a permis de tenir à distance les parts trop déstabilisantes de notre expérience, ces parts qui étaient perçues comme trop menaçantes pour notre équilibre et notre survie.

Les jugements sur nous mêmes sont les conclusions erronées que l’enfant a tiré de sa relation avec les aspects dysfonctionnels de son environnement. Mais l’enfant ne pouvait pas faire autrement car il ne disposait pas de la capacité de recul qui lui aurait permis de voir que les manques ou les blessures subis n’étaient pas la conséquence de son insuffisance.

Enlever la culpabilité de ces mécanismes et les voir comme quelque chose d’inhérent à notre humanité permet de prendre un certain recul et de commencer à voir les choses plus clairement.

 

Ensuite, nous pouvons ramener notre attention vers l’intérieur, et voir si il est possible de nous ouvrir à la narration à l’œuvre derrière ces jugements :

Si les jugements sont sur nous mêmes, pouvons-nous identifier le sens du soi diminué vers lequel ils pointent ?

Si les jugements sont sur les autres, quelle est la part vulnérable de notre être qu’ils cherchent à maintenir cachée ?

Puis, en restant connectés au corps et aux sensations, nous pouvons essayer d’accueillir les images défaillantes que nous avons identifiées et faire le choix, pour un moment, d’accepter l’expérience, la douleur et la contraction qu’elles nous invitent à vivre.

Car comme toute expérience, ces mouvements dans notre être sont temporaires. Ils n’ont pu rester en place si longtemps que parce que nous avons refusé de les ressentir, les privant ainsi de l’espace nécessaire à leur transformation.

L’espace donné par l'accueil va permettre également d’identifier les doutes, les peurs et toute la gamme de sentiments qui accompagnent les images de ce soi diminué. Laisser également ces sentiments et émotions nous traverser (en les ressentant en amont de la narration, sous leur forme énergétique la plus profonde, la plus organique = comme des sensations dans le corps) leur permet de se libérer.

 

Ne plus résister, et enfin ressentir ces parts dévalorisées de notre identité, c’est se tourner vers elles avec bienveillance et avec compassion, pour leur faire comprendre qu’elles n’ont pas tort de ressentir les choses de cette façon, qu’elles n’ont pas besoin de changer, et que, dans ce moment, nous pouvons enfin leur faire une place dans notre cœur et leur offrir un accueil inconditionnel.

Notre ouverture offrant à ces expériences l’espace, la liberté et l’attention dont elles ont besoin, les énergies stagnantes dans le corps vont alors peu à peu trouver leur résolution, les parts du psychisme bloquées dans l’expérience vont sortir de leur position figée, et les fausses images ou les jugements vont se dissoudre en perdant de leur consistance, jusqu’à ne paraitre plus rien dire de vrai sur nous.

 

Nous retrouvons alors une confiance naturelle qui est une des qualités de notre nature profonde. Cette confiance qui est inhérente à l’être. Cette confiance qui est ancrée dans notre capacité à pouvoir ressentir toutes les expériences que la vie peut évoquer en nous, et qui découle de la reconnaissance que nous ne sommes pas ces images que la pensée nous présente, mais plutôt l’espace dans lequel toutes nos expériences se déploient.

 

Patrick Boulan

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