mardi 4 janvier 2022

ALCHIMIE DE LA HONTE (Partie 2)

L'ÉMOTION ET SES CONSÉQUENCES 

Dans son aspect positif, la honte est une émotion qui nous permet d’appréhender nos limites, d’évaluer lorsque nous commettons des erreurs, ou lorsque nos comportements ont des conséquences négatives pour les autres. C’est un outil qui nous permet d’intégrer les normes sociales, de grandir et de nous remettre en question.

Dans son aspect toxique, on peut définir la Honte comme une coloration de notre expérience nous amenant à ressentir que ce que nous sommes n’est as suffisant,  ou que nous sommes imparfaits ou déficients.

 

Cette émotion, dans sa forme toxique, nous amène à avoir une expérience négative de nous-mêmes. Elle crée une contraction énorme de tout notre être qui, parce qu’il est aux prises avec des sentiments d’infériorité, d’inadéquation, ou d’incompétence, perd sa capacité à se projeter positivement dans le monde.

Un repli de notre énergie vers l’intérieur se met ainsi en place, nous coupant de  nos ressentis profonds et créant une déconnexion avec notre nature authentique, tout en nous maintenant dans une forme de transe.

Dans cette transe, c’est comme si toute notre énergie était recouverte d’un épais nuage sombre, nous faisant comme rétrécir ou nous affaisser intérieurement, nous faisant douter de nos propres ressentis et de nos capacités, et nous amenant à voir le monde comme un endroit risqué et menaçant qui ne peut que refléter notre déficience.

La honte est ensuite maintenue en place par tous les jugements intérieurs qu’elle génère et qui, en nous évaluant face à chaque expérience, nous ramènent à ces sens d’inadéquation et d’insuffisance, nous faisant comprendre que nous devrions ressentir ou agir différemment et que nous devrions nous améliorer ou changer si vous voulons nous montrer dignes de l’amour et de la reconnaissance que nous recherchons.

Une fois que les jugements négatifs sur soi sont installés, la honte est intériorisée et fonctionne de manière autonome. 

Le mental, conditionné par les jugements qu’il a construits, va puiser dans l’environnement les informations qui vont valider ces croyances négatives et va imaginer un monde où les autres paraissent s’en sortir mais où nous restons condamnés à nous percevoir comme s’il y avait quelque chose qui ne va pas chez nous. Et lorsque la honte est ressentie, elle est vécue comme une validation des jugements négatifs.

 

Avec la honte et les jugements, un grand nombre de comportements inconscients et de mécanismes d’auto-sabotage se mettent en place, nous piégeant dans des rôles et des stratégies qui nous coupent encore plus profondément de notre être authentique.

En effet, à cause des jugements (et de la comparaison qu’ils génèrent), la honte s’accompagne d’un déficit d’estime de soi, d’un manque d’appréciation de nos qualités, d’une dévalorisation de nos capacités, et d’une forme de mépris de soi. 

Rester avec ces images négatives de soi étant intolérable, des comportements vont se mettre en place pour nous permettre de les compenser : nous allons développer des façons d’être, des rôles et des stratégies pour tenter d’obtenir des autres cette validation, cette appréciation et cet amour qui nous font défaut, et pour apaiser la douleur du vide intérieur provoqué par la honte. Les stratégies vont prendre un nombre presque infini de variations, allant du perfectionnisme ou de la supériorité à diverses addictions, ou à la résignation et la dépression.

Cela va totalement modifier notre rapport à notre expérience intérieure et nos relations avec notre environnement :

Vis à vis de nous-mêmes : ces stratégies, tout en nous rendant dépendants des autres, vont nous obliger à mettre de côté notre vérité intérieure et à faire des compromis, à renoncer encore plus profondément à nous mêmes pour nous conformer à ce que l’on imagine qui est attendu dans chaque situation. Le fait de tourner ainsi le dos à nos ressentis profonds va renforcer le sentiment de dépréciation intérieure et nous faire nous percevoir comme encore plus fortement anormaux.

Face aux autres, la honte va créer un fossé, une distance et un profond manque d’intimité. En effet, comme l’on se perçoit comme médiocre ou incomplet, il devient difficile de laisser les autres rentrer dans notre sphère, car la peur nous suggère que si les autres s’approchent trop, ils vont prendre conscience de notre déficience et nous rejeter ou ne plus nous aimer.

Face aux situations de la vie et aux expériences, plus notre niveau d’auto-dévalorisation est important, plus cela va inviter le rejet ou les jugements de la part des autres, ou plus nous allons interpréter les réactions des autres comme du jugement, et ainsi confirmer le paysage intérieur.

Mécanismes d'Auto-sabotage : Lorsqu’un désir ou un élan va émerger en nous, et que nous allons nous projeter dans son accomplissement futur, la honte va faire émerger ces images négatives de nous mêmes. Pour ne pas ressentir la douleur qui va avec ces images, des mécanismes vont se mettre en place pour nous couper du désir pour nous éviter de prendre des risques et d’être confrontés à notre incapacité imaginée et à l’échec ou au rejet qui en découlent. Les mécanismes d’auto-sabotage cherchent de cette façon à nous éviter de sortir de notre zone de confort pour ne pas être confrontés à ces images négatives que la honte génère ou à l’échec.

 

Sortir de ces dynamique souvent très inconscientes demande un grand courage et de la détermination.

 

Mais c’est tout à fait possible :

-     D’abord en identifiant les différents domaines de notre expérience intérieure ou extérieure où la honte s’est construite (Corps et apparence, sexualité, expression de nos émotions ou sentiments, autonomie et reconnaissance de nos besoins, force et puissance, place dans le monde, créativité, liberté d’être soi…)

-     Ensuite en reconnaissant comment nous appliquons le déni face à cette émotion de honte, ou comment nous construisons des mécanismes pour essayer de lui échapper (jugements projetés sur les autres, mépris ou mise à distance des autres, pression excessive sur soi, déni, résignation…)

-      Enfin en acceptant de ressentir l’expérience de la honte, en nous ouvrant aux différentes façons dont la honte nous fait nous percevoir nous mêmes ou nous fait percevoir les autres et le monde.

-    Mais surtout en accueillant les sensations qui vont avec l’émotion, en ressentant ce rétrécissement et cette contraction de notre espace intérieur et en acceptant pour un moment d’incarner pleinement ces images négatives de nous mêmes que la honte nous présente.

 

Lorsque notre conscience vient ainsi éclairer notre expérience et lui offre un accueil suffisant, toutes ces couches d’émotions et de ressentis qui sont restés bloqués en nous à cause de la répression vont enfin pouvoir se libérer, et finalement nous quitter.

Ces parts que nous avons si longtemps rejetées sont enfin réunifiées à la globalité de notre être, et vont ainsi pouvoir se libérer des fixations avec lesquelles elles étaient aux prises.

Nous pouvons alors revenir à l’expérience de ce que nous sommes réellement, avant la construction de ces images et retrouver notre liberté.

 

Patrick BOULAN

 

Prochain stage TURIYA

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire