mercredi 2 février 2022

COMMENT LE TRAUMA EST ENCODÉ AU NIVEAU CELLULAIRE, ET COMMENT S'EN LIBÉRER

Face à l’événement perçu comme une menace, ou qui active la réponse de fuite, de combat ou de figement, l’amygdale va d’abord enregistrer le danger potentiel, puis va envoyer les informations aux autres régions du cerveau.

La glande signifie ainsi à l’hypothalamus et à la glande pituitaire de lancer la production des hormones de stress (cortisol et adrénaline, qui sont générés par les glandes surrénales). Ces hormones vont ensuite entamer un processus de synthèse des protéines informant certains acides aminés de se greffer aux récepteurs neuronaux et d’y rester fixés.

L’interprétation de l’événement, ainsi que des conclusions que l’on en a tiré, vont ainsi se structurer dans les schémas neuronaux. Cela va aussi affecter l’hippocampe, responsable de la gestion de la mémoire, de la construction de la chronologie et de la mise en perspective des expériences. A ce stade, l’événement traumatique est enregistré et scellé dans notre conscience avec le sens qui lui a été donné, les conclusions que l’on en a tiré sur notre identité et les images négatives ou diminuées de nous-mêmes qui y sont associées.

 

Après son activation initiale, l’amygdale va être plus profondément affectée, et va se mettre à fonctionner comme un centre de tri en filtrant les expériences du quotidien à travers les informations mémorielles et les empreintes relatives au trauma.

Donc tout ce qui va sembler évoquer quelque chose de similaire à l’événement traumatique d’origine va générer un signal qui va à nouveau enclencher l’activation du système nerveux et générer la production des hormones de stress, ainsi que l’activation des charges d’énergie, des sentiments et des émotions en lien avec le trauma. Les contractions qui cherchent à réprimer ces émotions et mouvements d’énergie vont rester actives et vont devenir chroniques en se structurant de plus en plus profondément dans le corps, dans les fascias, les muscles, les tendons et les organes, créant une forme d’armure psycho-corporelle.

Cette configuration reste en place tant que le trauma n’est pas résolu.

 

A partir de là, plus la réactivation des mémoires traumatiques et du système nerveux est fréquente, plus les schémas de réponse neuronaux et énergétiques se renforcent et se solidifient et plus les effets de dérégulation sur le corps, le mental et le psychisme s’intensifient.

De plus, une fois que tout est structuré et densifié, la partie du cerveau qui a enregistré l’expérience ne peut plus recevoir les signaux d’autres parties du cerveau qui pourraient lui signifier qu’il n’y a pas de menace réelle dans le moment. On ne peut donc plus dépasser l’empreinte traumatique en lui opposant le raisonnement concret ou une forme de rationalisation.

 


La bonne nouvelle, c’est que le système nerveux ne connaît pas le temps.

On ne peut certes pas changer le passé, mais on peut à n’importe quel moment revenir vers la façon dont le trauma prend forme dans notre expérience et guérir l’empreinte initiale pour retrouver la liberté.

 

 

 

  




Parce que le trauma est dans le corps et qu’il affecte toutes les fonctions du corps, on doit rentrer en contact avec lui et œuvrer à sa résolution avec le corps et par le corps.


Dans un premier temps, prendre conscience que le traumatisme (avec les pensées, les émotions et les contractions qui le composent) est une réponse adaptative de notre système nerveux qui cherche à nous protéger face à une situation difficile, permet de prendre un certain recul.

On va ainsi pouvoir comprendre que le traumatisme parle de ce que l’on a vécu (intérieurement), mais pas de ce que l’on est : nous ne sommes pas responsables des blessures et des traumas auxquels nous avons été confrontés dans l’enfance, ni de la façon dont notre système nerveux en a été impacté, ni des stratégies par lesquelles nous nous sommes adapté pour survivre malgré ces blessures.

Ainsi lorsque le trauma se réactive et qu’il nous entretient dans une forme de transe mentale et émotionnelle, cela ne dit rien sur nous, cela ne dit rien sur ce que nous sommes. Cela nous apprend plutôt sur l’empreinte qui s’est installée en nous face à l’adversité et aux difficultés auxquelles nous avons été confrontés.

 

De plus, dans ces moments de réactivation des énergies du trauma, lorsque nous sommes entrainés dans le vortex traumatique, la façon dont on se perçoit et dont on perçoit le monde n’est pas la réalité, mais le reflet des erreurs d’interprétation qui se sont mises en place dans la situation d’origine.

En effet, lorsque enfant nous faisons face à des manques, des blessures, ou une rupture importante  dans le lien d’amour et de connexion avec nos proches, nous sentons que quelque chose ne va pas. Cependant, nous n’avons pas le recul suffisant pour voir que le problème vient peut être du fait que les parents sont trop stressés, ou aux prises avec leurs propres blessures ou traumas, ou sous l’emprise d’émotions qui les dépassent. Le ressenti que quelque chose ne va pas se traduit alors par quelque chose ne va pas chez moi, et génère un sens du soi déficient avec tout un lot de jugements et de nouvelles émotions et sentiments.

Les jugements et images dévalorisées de nous mêmes qui colorent notre expérience lorsque le trauma est activé ne disent donc rien de ce que nous sommes réellement, mais sont seulement le reflet des conclusions erronées que nous avons tirées de ces moments d’adversité.

 

Une fois ce recul installé, en sentant quelle forme le trauma prend au niveau organique et kinesthésique, en s’ouvrant au contenu des émotions et des sentiments qu’il génère, en ressentant les charges d’énergies et les contractions présentes, puis en affirmant le choix de laisser l’expérience se déployer, on va libérer l’organisme de la tension qui est à l’œuvre lorsque l’on refuse de ressentir.

Dans l’espace ainsi créé, les énergies bloquées vont pouvoir - à leur rythme - se remettre en mouvement, et les émotions vont pouvoir se déployer pour aller vers leur résolution. Sortir ainsi d’une position figée va permettre à l’amygdale de quitter son état d’activation, ce qui va de pair avec une intégration plus globale au niveau du système nerveux.

Lorsque le système nerveux commence à s’auto-réguler, il va pouvoir intégrer l’expérience avec son contenu émotionnel et énergétique. 

Le système nerveux sympathique, responsable de l’activation de tout l'organisme en mode de stress et de survie, va alors s’apaiser. 

Le système nerveux parasympathique, en charge de ramener l’équilibre et de recharger les batteries, prend alors le relais et œuvre à un retour au calme.

Les connexions neuronales vont ensuite se défaire petit à petit. L’hémisphère gauche rationnel, hyper actif dans le trauma, va perdre de sa prépondérance. Cela va s’accompagner également d’une  dissolution des structures de la personnalité qui s’étaient construites autour des stratégies pour essayer de rétablir un plus haut niveau de sécurité et pour compenser les manques et les blessures.

Le contact avec l’Être et avec nos qualités profondes peut alors être rétabli puisque la dissociation n’a plus lieu d’être.

 

On se rend ainsi compte que le traumatisme peut être perçu non pas comme une fatalité, mais comme un outil ou un portail qui nous ouvre l’accès à des parts plus profondes et plus authentiques de notre expérience, et qui nous permet de nous reconnecter à notre nature profonde. 

 

Ainsi, comme ces mots de l'évangile de  Thomas l'évoquent :

 “Si tu fais advenir ce qu'il y a à l'intérieur de toi, ce que tu feras advenir te sauvera. Si tu ne fais pas advenir ce qu'il y a à l'intérieur de toi, ce que tu n'auras pas fait advenir te détruiras.”  

Pour le dire autrement : Le trauma non rencontré a un tel potentiel de dérégulation et de désorganisation, qu’il est destructeur et génère énormément de souffrance. 

Par contre, si il est rencontré, il a le pouvoir de nous ramener à l’expérience de notre Soi originel, de notre aspect divin, et de nous reconnecter à nos qualités de paix, de silence, de liberté, d’unité de compassion et d’amour, tout en nous libérant de l'illusion.

 

Patrick Boulan

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