lundi 6 juin 2022

RESSENTIR PLEINEMENT NOS ÉMOTIONS

Dans le domaine des émotions et des sentiments, la cause principale de nos difficultés n’est pas l’émotion en elle-même, mais la pensée (et l’activité qu’elle sous tend) que nous ne devrions pas ressentir ce que nous ressentons et que notre expérience devrait donc être différente de ce qu'elle est.

Cette pensée va faire émerger une activité de résistance qui va chercher à réprimer l’émotion, à la changer ou à la faire disparaître.

C’est cette activité qui de contrôle et de résistance qui est à l’origine de la souffrance.

 

A cause de cette résistance et du conflit qu’elle génère, nous nous sentons agités, divisés, animés par des parts qui s’opposent les unes aux autres, aux prises avec un fort niveau de contraction intérieure et de négativité, et donc de souffrance.

Le conflit intérieur se met en place lorsque l’émotion est jugée inopportune ou qu’elle est ressentie comme top déstabilisante :

D’une part, ce conflit peut être le fruit de la peur qui imagine que l’émotion ou le sentiment est une menace pour notre intégrité physique, mentale ou psychologique. La peur postule que si nous nous ouvrons à l’expérience que cette émotion nous invite à vivre, nous n’allons jamais pouvoir nous en sortir, que nous allons sombrer, ou que nous allons être jugés, ou rejetés, et ainsi coupés des autres et condamnés à un perpétuel isolement.

D’autre part, la résistance peut aussi être le fruit du conditionnement qui a ancré en nous la croyance que certaines émotions ou certains ressentis n’étaient pas acceptables ou étaient un signe de dérèglement ou de déficience. A cause de ce conditionnement, quand l’émotion émerge, nous allons imaginer qu’il y a quelque chose qui ne va pas chez nous, ouvrant ainsi la porte à l’auto-jugement, à la culpabilité et à la honte. Cela crée alors l’image d’un soi dysfonctionnel ou diminué. Le niveau de conflit intérieur est alors bien plus grand, car ces images du soi négatives paraissent totalement impossibles à accepter.

 

Une fois que la pensée a généré cette activité de conflit avec l’expérience, nous sommes investis dans des efforts constants pour essayer de nous débarrasser de l’émotion, mais aussi pour essayer désespérément de revenir à un sens du soi moins dévalorisé, ou plus proche de notre idéal.

Ce conflit est en fait une forme de violence. Cette violence, nous nous l’infligeons d’abord à nous mêmes en luttant contre notre mouvement intérieur et contre des parts de notre être, mais nous l’infligeons également aux autres en les rendant responsables de notre émotion, avec la fermeture, les jugements et le rejet que cela provoque.

Au final, cette activité ne fait que rendre les choses bien plus compliquées qu’elles ne le sont réellement, elle augmente le sentiment de division interne, génère beaucoup de tensions sur le plan psychique et physique et nous met en conflit avec nous mêmes, avec les autres et avec l’existence.

 

 


 

En outre - et c’est sans doute là le point le pus important - c’est à cause de la résistance que l’émotion, par nature transitoire et impermanente, reste bloquée à l’intérieur de notre système sans pouvoir trouver sa résolution. 

Or, une émotion est, dans son aspect le plus fondamental, un mouvement d’énergie ; et cette énergie a besoin de pouvoir se déployer librement pour pouvoir se transformer et pour permettre au système nerveux de s’auto-réguler et d’activer sa capacité de résilience en intégrant l’expérience.

A cause de la résistance et de la contraction physique et énergétique qui en découle, l'émotion n'a plus l'espace suffisant pour suivre son mouvement naturel. Elle reste bloquée, tout en étant alimentée d'un flux constant d'énergie  par les pensées en lien avec la résistance, ce qui la maintient en activité. Notre système nerveux reste alors bloqué dans ses réponses automatiques d’activation (évitement, conflit ou figement), nous surinvestissons la sphère de la pensée pour moins sentir, et nous nous sentons en souffrance et prisonniers d’un conflit intérieur qui nous paraît ne pouvoir prendre fin que quand, enfin, nous ne ressentirons plus ce que nous ressentons.

 

Ainsi, si l’on souhaite sortir de la souffrance pouvoir faire l’expérience d’une harmonie intérieure, nous devons désamorcer ce programme centré sur la résistance (programme qui ne nous conduit pas au bonheur et à l’équilibre que nous recherchons), et tenter, dans ces moments de tensions internes, de nous aligner avec ce qui est.

Cela nous conduit à nous ouvrir peu à peu à un accueil de plus en plus profond des sentiments et des émotions que la vie nous invite à expérimenter.

 

Accueillir une émotion, c’est la ressentir pleinement dans son aspect le plus fondamental : celui de l’énergie.  

Cela demande donc de se détacher des pensées et de l’histoire qui se joue autour de l’émotion pour s’ouvrir à l’expérience directe de cette énergie et à la façon dont elle se manifeste dans notre corps et sur un plan somatique ou kinesthésique.

Dans l’espace que l’on va donner par notre accueil, l’émotion et l’énergie qu’elle contient vont pouvoir retrouver leur mouvement naturel. En allant jusqu’au bout de ce mouvement, elles vont alors graduellement se transformer.

Dans ce mouvement, nous allons bien sur devoir ressentir la douleur contenue dans l’émotion et les sentiments qui l’accompagnent. Mais nous allons également pouvoir faire l’expérience d’un grand soulagement lié au fait de pouvoir enfin être présents avec ce qui veut se vivre en nous. Ce soulagement va être aussi la conséquence du relâchement du niveau de conflit intérieur et des tensions corolaires. Ensuite, le système nerveux va pouvoir s’autoréguler, nous permettant de sortir de cette position de fixation et de revenir au calme et à l'équilibre.

 

Dans cette ouverture aux mouvements qui nous animent, notre confiance dans notre capacité à être présents avec ce qui est va progressivement grandir, nous allons devenir de plus en plus conscients de ce qui se passe en nous, et plus ouverts à tous les aspects de notre être.

Nous pouvons alors nous installer dans une paix durable, qui est la conséquence de l’arrêt de notre conflit avec notre expérience, et nous ancrer dans une liberté qui n’est plus soumise à condition : la liberté de ressentir à chaque instant ce que l’existence nous invite à vivre, et donc d’être pleinement alignés avec nous-mêmes et avec la vie.

 

Patrick BOULAN

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire