4 - Sortir de l’emprise du Juge
On le voit bien ici, les réponses programmées qui se mettent en place pour tenter de mieux gérer les effets des jugements sont inadéquates à nous faire sortir de la boucle régressive dans laquelle les jugements nous maintiennent.
Toute activité pour sortir du jugement ou pour lutter contre lui ne fait que lui donner plus de place et renforce son emprise.
Et on pourrait dire que la meilleure façon de maintenir l’emprise du juge d’est d’entrer en relation avec lui (que la relation soit de lui résister, de chercher à compenser ses effets, ou de se résigner).
En effet, si on cherche à s’opposer, à fuir ou à valider le Juge Intérieur, c’est que l’on s’est d’abord positionné comme étant visé par lui, que l’on a inconsciemment validé notre identification au Soi déficient qu’il cherche à changer, et que nous sommes donc dans une position régressive d’enfant blessé, et donc coupés de ce que nous sommes vraiment dans le moment.
Et si le juge paraît si vrai et si réel, c’est bien parce qu’il nous coupe de notre état d’être naturel et de présence consciente. Face à la réalité du moment, il surimpose son interprétation conditionnée, nous renvoyant ainsi à ces moments où enfants nous avons validé les vérités émises par nos parents, tourné le dos à notre propre réalité et à nos ressentis profonds, et imaginé à une forme de déficience en nous.
C’est par ce mécanisme qu’il nous entretient dans une forme d’inconscience et nous fait régresser dans une position qui nous soumet à son autorité.
Pour sortir de cette emprise, nous devons avant tout reconnaître que notre être profond est contrait et limité par les critiques et évaluations internes.
Ensuite nous devons devenir plus conscients des divers éléments qui sont à l’œuvre lorsque les jugements se mettent en place. Faire face en conscience à l’attaque du juge sans lui offrir aucune résistance va permettre ensuite de le transformer.
Plusieurs étapes vont devoir prendre place dans ce processus :
Étape 1 :
La première étape va être d’identifier et de reconnaître que le Juge Intérieur est actif.
On va pouvoir sentir sa présence lorsque l’on perçoit en nous :
des avis trop marqués,
des critiques,
des évaluations,
des condamnations,
des accusations,
des mouvements de rejet,
des attentes,
des comparaisons,
des il faudrait, il faut, je dois, j’aurais dû, j’aurais mieux fait de…
et bien sur des jugements.
Que ces mouvements s’adressent à nous ou soient projetés vers l’extérieur, vers les autres, ne change rien : lorsque le juge est à l’œuvre, c’est le signe que des parts du Soi qui se perçoivent déficientes ont été activées. Un jugement vient toujours mettre en lumière ce que l’on croit sur nous.
Reconnaître que l’on est confronté à une attaque du Juge, plutôt que réagir face à l’attaque est donc la première étape.
Étape 2 :
Une fois que l’on a rendu plus consciente l’activité du Juge, on va se tourner vers lui au lieu de le fuir ou de lui résister.
Cela peut nécessiter comme étape intermédiaire d’identifier le mode de réaction qui se met en place automatiquement pour faire face à la blessure : attaque, fuite ou effondrement. On fait alors le choix de ne pas s’investir dans ces mécanismes puisque l’on en a vu l’inefficacité.
On va ensuite interroger le Juge pour mieux comprendre ce qu’il a à dire et pouvoir clairement formuler ce qu’il cherche à exprimer : Ici il et important d’arriver à trouver la formulation la plus directe qui représente vraiment le message que le juge véhicule, même si cela paraît un peu fort (c’est souvent la résistance qui va donner cette impression).
Étape 3 :
Le juge étant rendu plus conscient, on va essayer de se tourner vers le corps et l’énergie interne pour ressentir la façon dont il nous impacte.
On va d’abord identifier la façon dont il impacte le système nerveux et le corps : agitation, tensions, contractions, perte d’énergie, charges ou poids dans certaines parties du corps, dissociation, anxiété, stress…
On va ensuite tenter d’identifier les émotions et sentiments qui sont évoqués par le jugement : honte, culpabilité, peur, insécurité, colère, solitude, désespoir, impuissance, sentiments d’incomplétude ou d’inadéquation…
Étape 4 :
Une fois que l’on a identifié le Juge et la façon dont il prend forme dans notre vécu émotionnel et somatique, on va faire le choix de faire face à l’expérience.
On va ainsi projeter les mots émis par le juge et rester avec eux. On reste avec les mots, tout en ressentant l’effet que le jugement a sur le corps, sur notre énergie interne et sur notre système nerveux. On accueille également les émotions et sentiments que le jugement peut continuer d’évoquer.
Malgré l’inconfort, on reste ainsi avec l’expérience sans rien faire pour changer quoi que ce soit. On se laisse traverser par l’expérience.
Dans ce choix nous affirmons notre position souveraine de Présence Consciente. L’identification est ainsi démantelée, et permet d’offrir l’espace suffisant pour que l’expérience puisse se déployer, puis nous quitter. Car un jugement, comme toute expérience, est temporaire.
Étape 5 :
Avec la présence que nous amenons dans l’expérience, des parts de plus en plus profondes peuvent commencer à être perçues.
C’est à présent le moment d’essayer d’identifier quel(s) Soi déficient(s) le jugement met en lumière. Découvrir ce Soi déficient, c’est revenir à la blessure d’origine, au moment où les premières conclusions erronées se sont mises en place et où nous avons imaginé que nous étions responsables des manques, des difficultés ou de l’adversité auxquels nous étions confrontés.
Faire face à ces parts d’enfant blessé en nous avec bienveillance, va leur permettre d’enfin trouver l’accueil et la compassion dont elles ont besoin pour pouvoir s’ouvrir à la douleur de la blessure originelle et sortir de leur position figée et régressive. Le système nerveux peut alors se réguler et intégrer l’expérience.
La maturité de l’adulte vient ensuite reprendre sa place et permet de tout remettre en perspective ave la bonne compréhension. Le Soi déficient est alors dissout, dévoilant à nouveau le Soi authentique.
Bien sur, dans la réalité, le déroulement ne sera peut être pas aussi linéaire, et les étapes peuvent s’imbriquer les unes dans les autres ou prendre place dans un ordre différent. Mais les différentes parties évoqué ici sont les éléments qui sont nécessaires pour aller vers une perte progressive de pouvoir du juge intérieur et œuvrer à la dissolution des parts déficientes du soi.
Dans ce processus, on va pouvoir réaliser que beaucoup de nos évaluations viennent de l’extérieur et sons issues de nos parents et du conditionnement que nous avons reçu.
Il devient donc de plus en plus clair que cette voix du juge n’est donc pas vraiment la notre. C’est plutôt un programme qui s’est mis en place en s’imprégnant des données transmises par notre environnement, et qui utilise ces données pour chercher à nous amener vers cette paix et ce bonheur que nous recherchons.
Car n’oublions pas que le juge cherche à bien faire.
Certes, sa façon de procéder est totalement contre productive et ne fait que générer une grande quantité de souffrance en limitant et contraignant l’être. Mais pourtant le Juge cherche à nous aider. Et sans lui, sans la dissociation interne qui se met en place dans les situations d’adversité, notre niveau de traumatisme aurait été bien plus important, et nous serions sortis de l’enfance avec beaucoup plus de dommages.
Le Juge est donc nécessaire. Il va le rester jusqu’à ce que nous puissions revenir occuper le trône qui nous attend au cœur de notre royaume intérieur, et que nous retrouvions l’autorité naturelle de notre être profond.
À ce moment là, c’est de notre Soi authentique, et de la pureté, de la compassion et de l’intuition naturelle qui en découlent, que nous pouvons évaluer ce qui est bon/juste/et approprié et ce qui ne l’est pas.
Patrick BOULAN
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