jeudi 20 octobre 2022

LE JUGE INTÉRIEUR 1

 1 – Origines du Juge Intérieur :

L’instance qui juge en nous se met peu à peu en place, au fil de notre processus de développement, et sous l’influence de quatre grands facteurs :
- Les jugements et valeurs présents dans notre famille et notre environnement social, et qui véhiculent l’image de ce qui est acceptable ou pas, de ce qui est bien et de ce qui ne l’est pas.
- Les conclusions erronées que nous développons lorsque nous sommes confrontés à des situations traumatisantes ou représentant un certain niveau d’adversité.
- Les jugements directs que nous recevons (de façon verbale ou non verbale) et qui nous font comprendre que nous devrions  agir, ressentir ou penser différemment, ou que nous devrions simplement être différents.
- Les évaluations positives qui sont faites de notre comportement ou les choses que nos parents apprécient et valorisent chez nous et chez les autres.

Lorsque nous arrivons au monde, nous baignons dans un état d’innocence et d’unité, en contact avec le mouvement fluide de la vie et dans un espace de totale réceptivité. Et naturellement, nous allons nous imprégner des énergies présentes dans notre environnement, des conditionnements parentaux, mais aussi des jugements et valeurs qui sont véhiculés par nos proches et par la société.
Nous internalisons ainsi les jugements que nous entendons ou observons, les croyances et affirmations émises par nos parents ou par les autres adultes qui nous entourent. Nous internalisons aussi les mouvements d’approbation ou de rejet qu’ils émettent vis à vis des différents aspects de la vie quotidienne,  les évaluations ou réprimandes que nous recevons, et intégrons également les comportements qu’il faut développer et ceux qu’il faut mettre de côté pour que nos parents et les autres maintiennent le lien de connexion avec nous et pour que nous nous sentions plus en sécurité.
C’est cette imprégnation qui structure le « Super-Égo», cette instance de contrôle qui prétend détenir la vérité sur ce qui est bien/mal, positif/négatif, bon/mauvais, digne/indigne…
Cela fait bien partie du processus de socialisation. Mais notre dépendance en tant qu’enfant est si grande que cela nous maintient cloisonnés dans une vision du monde qui correspond au conditionnement parental. Il devient ainsi difficile pour l’enfant de rester en contact avec un sens de soi cohérent et avec ses ressentis profonds si ceux-ci ne sont pas alignés avec les besoins, les désirs ou les attentes des parents ou des proches.

Cette imprégnation est encore plus puissante lorsque nous nous sentons personnellement jugés ou lorsque nous sommes confrontés à des manques ou des traumas.
Ainsi, lorsque :
- nos parents et notre environnement ne répondent pas à nos besoins essentiels (amour, affection, attention, reconnaissance, compréhension, sécurité, soutien, écoute, appartenance, validation de nos ressentis),
- ou bien lorsqu’ils qu’ils ont des comportements allant à l’encontre de ces besoins,
- ou encore lorsque nous faisons face à une rupture importante dans le lien de connexion,
nous sommes alors confrontés à un fort niveau d’adversité qui génère un taux de stress élevé et toute une gamme d’émotions et de sentiments difficiles en lien avec la douleur et les manques.
Nous sentant totalement démunis face à ces expériences qui apparaissent comme beaucoup trop menaçantes et déstabilisantes, nous nous dissocions des ressentis internes, tout en retournant contre nous-mêmes la frustration et la colère initialement éprouvées face au manque.
De plus, comme nous sentons que quelque chose ne va pas, mais que nous n’avons pas la capacité d’analyse et de recul nécessaires à un vision claire de la situation, nous allons imaginer que si nous ne recevons pas ce dont nous avons besoin, c’est parce qu’il y a quelque chose qui ne va pas chez nous.
Ainsi, par exemple, si je ne reçois pas assez d’amour ou d’affection, je vais peut-être en déduire que je ne suis pas digne d’être aimé.
Si je n’ai pas assez d’attention, je peux conclure que je ne suis pas intéressant ou que je suis insignifiant.
Si je ne me sens pas reconnu, je vais être amené à penser que je ne suis pas assez bien, ou que je n’ai pas de valeur.


Ces croyances - même si elles ont pour objectif inconscient de ramener un certain niveau de sécurité et de maintenir la connexion - vont générer la mise en place d’images de soi déficientes qui s’accompagnent des émotions de honte, de peur et de mépris de soi.
Cela va augmenter considérablement le niveau d’insécurité interne : puisque à partir de ces images déficientes nous ne pouvons plus imaginer pouvoir accéder  à la satisfaction de nos besoins.
Le stress étant trop grand, tout le système se fige et rejette l’expérience.
Toutes les énergies à l’œuvre se cristallisent alors dans le corps et le psychisme, pour maintenir les croyances négatives dans des zones d’ombre inconscientes.
Le Juge Intérieur va alors se structurer dans une activité d’évaluation intérieure qui va chercher, par la critique, à nous pousser à sortir de ces postions déficientes.

Lorsque nous recevons un jugement direct ou indirect de la part des parents ou d’une figure d’autorité, c’est le même principe qui est à l’œuvre : cela nous coupe de la satisfaction des besoins d’amour inconditionnel, de reconnaissance et de validation, tout en créant une rupture forte dans le lien de connexion.
A ce moment là, les croyances négatives qui vont se mettre en place vont être la confirmation interne du jugement ou du rejet qui a émané d’abord de l’extérieur et qui nous a fait penser que ce qui était pointé par le jugement était quelque chose de mauvais qui devait changer.
Ainsi, si nos parents et notre environnement nous montrent qu’il y a certains sujets, certains ressentis, certaines émotions ou certains comportements qui ne sont pas acceptés, qui sont jugés indignes, mauvais ou qu’il convient d’éviter, nous allons naturellement faire l’expérience d’une forme de rupture du lien si nous abordons ces sujets, montrons ces émotions, ou adoptons ces comportements.
Par exemple : si nos parents ont désapprouvé nos émotions telles que la colère, la frustration, la jalousie, ou peut être encore la peur ou la tristesse, ou si ils ont critiqué notre sensibilité, nous avons intégré que ressentir ces émotions était quelque chose de mal. Cette évaluation de l’émotion comme quelque chose de négatif est encore plus forte si nous avons perçu que nos parents étaient en difficulté lorsque nous étions en contact avec ces ressentis.
L’émergence de ces émotions est alors associée à un risque de rejet dans le lien de connexion. Ces ressentis sont alors très vite intégrés comme « mauvais », et le rôle du Juge intérieur va être de tenir ces parts à distance, de les condamner et de les réprimer.

Le même conditionnement peut aussi se mettre en place avec des ressentis qui sont plus positifs, comme par exemple notre curiosité, notre passion, notre enthousiasme, notre créativité ou notre vitalité, pour ne citer que quelques exemples.
Si les parents sont en difficulté face à ces expressions de l’enfant, ou si ils ressentent un certain niveau d’inconfort ou d’impatience quand l’enfant  vit ces mouvements, alors l’enfant va commencer à croire qu’il y a quelque chose qui ne va pas avec ces façons d’être et de s’exprimer.
Le juge va alors chercher à contrôler ces expressions pour permettre à l’enfant de se conformer et de maintenir la sécurité du lien affectif.

Le schéma ci-dessus montre comment ces différentes étapes se mettent en place les unes après les autres. La boucle 1 (avec les flèches vertes) représente le mouvement initial lors de la première blessure. La boucle 2 (en rouge) montre qu'une fois les conclusions négatives installées, elles sont pleinement actives et colorent nos perceptions des choses: les situations vécues viennent alors directement confirmer les croyances et le sens du soi déficient.


Malheureusement, c’est aussi lorsque nous recevons reconnaissance et validation de certains aspects de notre comportement, ou que nous sommes appréciés pour certaines qualités que le Juge Intérieur se constitue.
Dans ces moments là,  nous recevons une forme d’approbation qui est limitée à certains traits particuliers - c’est à dire un amour conditionné qui pointe sur certains éléments précis.
Nous interprétons alors ces traits valorisés comme des standards avec lesquels il faut s’aligner pour rester connectés à l’approbation parentale et pour continuer à se sentir en sécurité.
Ces traits, une fois internalisés, vont créer l’image d’un soi idéal vers lequel nous allons essayer de tendre pour obtenir cette reconnaissance et cet amour dont nous avons besoin. 

C’est dans cette direction que le juge va chercher à nous pousser, dans la croyance que c’est seulement en nous rapprochant de cet idéal que nous allons pouvoir être pleinement heureux. Pour ce faire, il va évaluer ce que nous faisons et ce que nous vivons en comparaison avec ce soi idéal, et va nous critiquer lorsqu’il imagine le décalage trop grand avec les idéaux.
Notons ici que recevoir de l’amour « pour quelque chose » est très différent du fait de recevoir de l’amour de façon inconditionnelle. C’est cet amour inconditionnel qui a le pouvoir de nous faire comprendre que nous pouvons rester ce que nous sommes et qui offre la validation et la sécurité nécessaires pour nous permettre de rester ancrés dans ce que nous sommes.

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