jeudi 20 octobre 2022

LE JUGE INTÉRIEUR 2

 2 - Le fonctionnement du Juge Intérieur :

C’est à partir de ces images et croyances négatives sur nous-mêmes ainsi que de ces parts de notre expérience que nous imaginons mauvaises parce qu’elles n’ont pas été validées par notre environnement, que le Juge Intérieur se construit.

Le Juge se structure sous la forme de pensées, de croyances, d’idées, d’avis, de concepts, d’interprétations, d’injonctions, d’images et de voix qui nous parlent dans notre tête. En même temps, il a aussi une forme somatique et énergétique, et vit dans notre corps sous forme de charges, de tensions et de contractions.
Par son activité, le Juge cherche à aider. Il cherche à nous rendre conformes, à faire en sorte que nous restions dans le rang. Il veut nous rendre meilleurs, nous pousser à faire plus ou à ressentir des choses plus élevées ou plus positives, pour que nous puissions nous sentir connectés aux autres et au monde, tout en nous montrant dignes de cette connexion, et pour ainsi voir nos besoins enfin remplis.
Pour cela, il doit évidemment essayer de nous faire changer pour arriver à compenser les images négatives et déficientes, ainsi que les sentiments de manque, de séparation, d’isolement et de différence, qui se sont cristallisées dans notre inconscient.
Il établit ainsi les jalons de ce que nous devons faire ou ressentir pour faire de nous une « bonne personne », pour nous faire aimer et respecter, et pour nous rendre heureux.
Ces jalons étant posés, ils sont ensuite projetés dans notre vision du monde et vont aussi nous servir à évaluer les autres. Ils vont également favoriser la construction d’une image d’un « Soi idéal » que le juge a structuré en observant que certains aspects de notre être étaient plus appréciés ou plus grandement validés par les parents.

Ces jalons entretiennent une vision de l’équilibre qui s’oriente autour de deux grandes activités visant à maintenir un certain niveau de contrôle ; ce contrôle paraissant vital puisque, à cause des traumas,  la confiance a été perdue dans notre innocence et dans notre capacité à ressentir le mouvement de la vie en nous.

Le contrôle cherche donc   :
- à nous éloigner des expériences (internes ou externes) que le Juge considère trop menaçantes ou déstabilisantes,
- à nous pousser vers les idéaux qu’il a construits et qu’il considère comme vecteurs d’équilibre, de reconnaissance, de bonheur et de succès.

Le Juge va ainsi sans cesse évaluer notre apparence, nos pensées, nos émotions, nos ressentis, nos expériences, nos comportements et nos actions pour essayer de nous conformer aux standards qu’il a mis en place.


 
Il travaille en étroite relation avec les émotions de honte, de culpabilité et de peur qui vont s’activer comme une forme de validation du jugement pour nous maintenir dans le cadre fourni par le conditionnement et pour nous pousser à être différents.
Ce sont ces émotions qui donnent toute leur force aux jugements, leur conférant un aspect beaucoup plus énergétique et sensoriel, et nous portant ainsi à croire plus fortement que les jugements et évaluations disent quelque chose de vrai sur nous ou sur notre valeur.

Cependant, malgré ses buts élevés qui cherchent à combler les manques et à remplir les besoins de sécurité, d’amour et de reconnaissance dont nous avons besoin pour nous développer harmonieusement et pour nous sentir épanouis, force est de constater que les résultats de l’action du Juge Intérieur sont très éloignés de ce qui est escompté :

- Par son activité de contrôle, le Juge impose un carcan très étroit qui étouffe notre liberté et notre spontanéité. Il nous coupe de notre énergie, cherchant à bloquer tout mouvement interne qui ne correspond pas à ses standards, et reste seulement ouvert à ce qu’il pense qui devrait exister dans notre expérience.

- Il nous fait tourner le dos à notre être profond et à nos ressentis, renforçant ainsi la division intérieure, le conflit, l’agitation et le mal-être.

- Il génère une activité de comparaison qui cherche constamment à mesurer notre valeur, et qui entretient une forme d’auto-dévalorisation (puisque la comparaison va toujours avoir tendance à confirmer l’image déficiente qu’elle cherche à fuir, et va donc toujours trouver un autre meilleur ou plus compétent à qui se comparer).

- Par sa résistance, puis en maintenant un niveau constant de blâme, il entretient les images du Soi déficient qu’il cherche à compenser, et contribue à les maintenir en place et à les renforcer.

- Il nous conditionne à nous percevoir et à percevoir les autres et le monde à travers les filtres de ses critiques et de ses attaques, confirmant ses évaluations en nous maintenant dans des positions régressives qui nous empêchent d’accéder à notre autorité naturelle.

- Il nous coupe de notre intuition, de notre spontanéité et de notre innocence, en surimposant sa façon distordue de percevoir la réalité, invalidant ainsi nos perceptions premières. Et c’est parce que nous croyons à cette vision distordue et conditionnée que nous perdons le contact avec notre état naturel et notre profondeur.

- Nous privant ainsi du recul nécessaire à une évaluation correcte de ce que nous vivons, le juge détoure notre attention de son activité, nous maintient piégés dans les croyances négatives que nous entretenons sur nous.
En effet, en s’attaquant aux parts avec lesquelles nous sommes en difficulté, le Juge oriente notre attention dans une direction particulière (vers la part jugée déficiente), ce qui nous amène à penser que c’est là que réside le problème, et qu’il y a bien effectivement quelque chose qui ne va pas chez nous et qui doit changer. Cela nous maintient dans l’identification au passé et nous prive de l’état de Présence qui nous aurait permis de faire face au jugement en conscience.

- La création d’un Soi Idéal, et l’effort continu pour l’atteindre, entrainent un rejet de du Soi authentique et génèrent une auto-évaluation et une activité de comparaison constantes qui sont source de stress, d’anxiété et de repli sur soi.

- Le jugement nous fait croire que s’aimer et s’accepter est soumis à la condition de changer et de s’améliorer. 

On voit donc que les limitations et contraintes mis au point par le juge font peuvent faire sens lorsque l’on est dans un contexte de relation interpersonnelles ou de société : les valeurs permettent de maintenir une forme de structure et de cadre qui est vecteur de cohésion sociale et de sécurité.
Par contre ces valeurs deviennent totalement contre productives et créent une grande division dans l’être lorsqu’elles évaluent nos ressentis internes.


Au final, lorsque l’on porte une plus grande attention à ce que le juge exprime en nous, on se rend compte que son activité est au cœur de la façon dont nous nous définissons et nous percevons, et qu’elle conditionne une grande partie de la façon dont nous entrons en relation, pensons et agissons.
Pourtant, la vision partielle et conditionnée du Juge ne parle pas de ce que nous sommes réellement. Elle ne parle que des croyances erronées (erronées = car nous n’avions pas le recul et la maturité nécessaires pour évaluer correctement la situation) qui se sont mises en place lorsque nous avons fait face à des moments de crise, de manques, de blessures et de traumatismes au cours de notre processus de développement.
La vision du Juge parle du passé, de ce qui a été appris, mais pas de l’intelligence naturelle et de la maturité qui nous permettrait de sentir et d’accueillir ce qui est présent dans le moment.

Pour revenir à ce que nous sommes réellement, avant ces croyances et jugements, nous devons éclairer la fonction de ce juge avec plus de conscience, puis confronter ses évaluations. C’est en faisant face aux expériences que le juge nous invite à vivre et en accueillant les parts de nous-mêmes qui se sentent déficientes que nous pouvons revenir à notre pleine souveraineté et percevoir la réalité.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire